Cassandre Aguessy-Thomas – Heptathlon

« J’apprends à accepter que les deux sont possibles, que le plaisir n’est pas antinomique avec la haute performance. »

Palmarès :

– 4 fois Championne de France.
– Record de France Junior sur le Pentathlon en salle (5 épreuves : 60m Haies, Hauteur, Poids, Longueur et 800m) en 2016.
– 13 records départementaux (hors épreuves combinées) et un record Régional sur Pentathlon.
– 9ème européenne en Heptathlon en 2017 et 2ème par équipe au match international européen.

 

Témoignages :

Cassandre Aguessy-Thomas : « Je suis Cassandre, sportive de Haut-Niveau depuis 8 ans. Originaire de la région parisienne, j’ai passé 6 ans à l’INSEP (Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance), j’ai décidé de descendre il y a 2 ans et demi pour poursuivre mon projet sportif avec mon coach. »

Romain Thomas : « Tu fais de l’athlétisme et ta spécialité est l’heptathlon donc, une discipline combinée regroupant 7 épreuves. Peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste, et quelles sont les particularités de cette discipline ? »

CA : « Il y a en effet 7 épreuves au sein de l’heptathlon, divisées sur 2 jours. La première journée nous avons le 100m haies, la hauteur, le poids et le 200m, et le deuxième jour : la longueur, le javelot et le 800m.
Les horaires diffèrent souvent, mais les compétitions commencent régulièrement en milieu de matinée, et les épreuves sont séparés de 45 minutes minimum entre la fin d’une épreuve et le début de la suivante.
Du coup tout s’enchaine, entre chaque épreuve il faut récupérer puis se préparer à nouveau, gérer son alimentation et son hydratation en permanence. En général on grignote des aliments qui ne restent pas trop sur l’estomac pendant les épreuves dynamiques, et le moment du « vrai » repas se fait entre la hauteur et le lancer de poids.

RT : « Avec 7 épreuves à travailler, à quoi ressemble ton programme d’entraînement ? Tu insistes sur quels points par exemple, et comment cela s’articule avec les échéances régulières de la saison ? »

CA : « Nous divisons les épreuves sur la semaine : une à deux épreuves par jour, et deux jours réservés aux courses de sprint et résistance (les mercredis et samedis), pour travailler le 200m et le 800m. Les lundis, mardis, jeudis et vendredis les entrainements sont enchainés avec une séance de musculation du haut, ou du bas, en fonction des jours.
On travaille chaque épreuve de manière équilibrée. On se concentre individuellement sur nos points les plus importants à travailler / améliorer. Il est possible de doubler une épreuve sur la semaine, pour travailler plus en profondeur sur un point particulier, au lieu d’attendre la semaine suivante. »

RT : « Lors des compétitions, la plupart des athlètes semblent unis, tous confrontés à une somme de points à cumuler, lors d’épreuves où tout est mesuré, chronométré, millimétré, pour finalement être départagé. Peut-on dire que ce n’est pas une concurrence avec les autres athlètes mais plutôt avec son propre record ? »

CA : « Oui c’est ça. En fait, la confrontation directe nous incite surtout à nous transcender et à donner le meilleur de nous-même. L’idée est justement de rester performant alors même que les autres font des résultats qui peuvent nous déstabiliser.
Cependant, c’est toujours plus simple à dire qu’à faire, mais c’est l’idée ! Rester concentré sur soi et s’aider des autres pour se donner à fond et battre ses records. Mais en général nous sommes plus focalisé sur le fait de battre les autres plutôt que « se battre soi-même »… toute la subtilité de la compétition réside dans là-dedans. »

RT : « Entre la technique omniprésente pour chaque mouvement, le contrôle et la maîtrise nécessaire pour ces performances, où se situe le lâcher prise dans ton approche ? Toute la subtilité et la complexité de l’heptathlon ou du décathlon réside-t-elle dans cette alternance et cet équilibre ? »

CA : « Cette année j’ai décidé de faire passer le plaisir avant tout ! Je pense que cela me permettra d’être un peu plus détachée de la performance en elle-même, après laquelle je cours depuis des années.
Grâce à la préparation mentale j’ai compris que c’était parce que j’étais crispée et que je voulais trop bien faire les choses (la technicité de chaque épreuve), que je n’arrivais pas à m’exprimer en compétition. Les entrainements se passaient très bien et laissaient envisager de belles performances, mais le stress et cette envie de bien faire me bridaient énormément finalement.
L’objectif est donc effectivement de trouver un équilibre entre sérénité (car on s’est entrainé en amont), transcendance (l’envie de se donner à fond pendant la compétition) et l’adrénaline, pour permettre de s’exprimer au mieux au moment de la compétition. »

RT : « Ces épreuves sont souvent sollicitantes, voire éreintantes, tant sur le plan physique que mental donc, peux-tu décrire cela de ton point de vue ? Une situation vécue en particulier ? »

CA : « Personnellement je me suis usée mentalement et physiquement à la recherche de LA performance qui selon moi représentait mon vrai potentiel. Hélas, je m’y prenais mal, ce qui m’a valu des blessures, des dépressions, des doutes et des remises en questions. C’est très compliqué de se donner à fond, de la bonne manière. Chacun doit trouver son équilibre car il n’y a pas de règle dans le haut niveau. Ce qu’un athlète fait pour performer n’ira pas forcément de concert à tous les autres. L’équilibre est personnel à chaque individu, et ce qui marchait un temps n’est pas non plus éternel. Il faut apprendre à évoluer avec son corps et sa vie personnelle (les facilités de progression ainsi que les blessures à 16 ans et à 23 ans ne sont pas les mêmes). »

« Aujourd’hui j’aborde mon sport d’une autre manière. J’ai un regard différent sur le haut niveau. Je retourne aux bases : Pourquoi je fais du sport ? Ce sport ? Et qu’est-ce que j’aime dedans ?
Je reprends goût à venir à l’entrainement tous les jours, sans que ce soit une obligation, mais un réel plaisir de pouvoir faire des épreuves que j’aime pratiquer et le challenge de progresser sur chacune d’elle.
D’un autre côté, je me contrains beaucoup moins à sortir avec des amis, à manger au restaurant ou encore à retourner sur Paris pour voir ma famille et mes amis. Je retrouve un équilibre sain, où le sport n’est pas toute ma vie, et je dépends donc moins de ce besoin de performance. Cela me permet pour l’instant d’être plus sereine dans ma vie, sans occulter le fait que je veuille progresser et performer à haut niveau. Mais j’apprends à accepter que les deux sont possibles, et que le plaisir n’est pas antinomique avec la haute performance. »

RT : « Tu as d’autres passions en parallèle, notamment la cuisine. Pourrais-tu décrire en quoi est-ce important pour toi de garder d’autres hobbies dans ton quotidien et comment cela peut te permettre d’allier les notions de plaisir et performance ? »

CA : « Comme dit précédemment, la cuisine et notamment la pâtisserie que j’aime beaucoup créer, mais qui sont parfois vue dans le monde du haut niveau comme négatif, voir incompatible. J’ai donc mis cette deuxième passion de côté jusqu’ici. Je continue et en fais profiter la famille à l’occasion de fêtes. J’aimerais reprendre un peu plus cette année car effectivement, cela fait partie des choses que j’aime faire, notamment pour mes entraineurs et partenaires d’entrainement, plus que pour moi-même ! »

RT : « Quels sont tes prochains objectifs ? »

CA : « Retrouver du plaisir en compétition, puis de la performance et des records. J’espère secrètement que ça arrivera rapidement. J’ai comme objectifs les Championnats d’Europe en salle et en plein air, car je sais que j’ai le potentiel. Mais le travail pour y être au niveau est encore très long, donc performer aux Championnats de France Elites sera déjà super ! »

RT : « Merci Cassandre, je te souhaite de réaliser ces vœux pour cette nouvelle année ! »

 

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