Guillaume Felices – Baseball

« Le meilleur moyen de ne pas perdre, c’est de ne pas jouer… ».

Témoignages :

Rappelons avant tout que frapper la balle au baseball est un des gestes sportifs les plus difficiles à réaliser selon plusieurs études. Voici une interview qui aborde le sujet.

Romain Thomas : « Bonjour Guillaume, peux-tu nous parler de l’évolution de ton approche à la frappe ? »

Guillaume Felices : « Comme pour la plupart des jeunes joueurs, au départ, on s’élance sur toutes les balles, si c’était possible de frapper je le faisais à l’époque, mon objectif était de frapper fort ! On essaye de s’améliorer techniquement, pour cela on travaille sa technique face à des lancers assez simples puis progressivement on affronte des lanceurs meilleurs, le niveau de jeu augmente, les balles sont lancées de plus en plus fort, elles ont différents effets, on cherche alors à comprendre les tactiques employés lors des duels face à ces frappeurs.

On en vient ensuite à intellectualiser les « At Bat » (tour du frappeur face au lanceur). A cette étape d’évolution ont va vouloir deviner le lancer (« Guess pitch ») et choisir sur lequel s’élancer pour avoir le plus de chance de réussite. Avec la rapidité à laquelle les balles sont lancées, cette sélection et cette réflexion deviennent de plus en plus compliqué et il est difficile de rester performant avec un manque d’expérience.
C’est lors de cette phase, que l’on peut constater plus d’échec, les joueurs font moins appel à leur instinct et peuvent alors laisser passer les bons lancers. Ils ne sont pas prêt au bon moment.

Par la suite, j’ai arrêté le baseball pendant 2 ans et lors de la reprise, j’avais perdu physiquement, j’ai donc du m’adapter et retrouver cet instinct en plus de la technique apprise jusque là. Aujourd’hui, avec l’expérience, l’approche au bâton vient naturellement et peu importe le lancer je me tient prêt à réagir si besoin. C’est ma solution, être prêt à frapper dès que j’arrive devant le lanceur, dès le début du compte, à tout moment, même si le lanceur vient de faire un « but sur balles » (4 mauvais lancers) face au frappeur précédent.

Je réalise moins d’efforts pour m’adapter à la situation et c’est là que l’on comprend que le baseball est un sport à développement tardif… »

RT : « Cette évolution est valable seulement à la frappe ? »

GF : « Mon approche générale a évolué d’année en année. Aujourd’hui par exemple, les veilles de match sont souvent tranquilles, sans vraiment me projeter et penser à l’échéance. Je dirais que c’est plutôt le matin du match où s’installe un protocole pour l’échauffement, je donne de l’importance à l’écoute du corps, je m’échauffe en fonction de mes besoins, à ma façon. L’objectif est juste d’être chaud pour jouer, je ne me focalise pas sur la réussite à ce moment là, les « Batting practice » (échauffement à la frappe) d’avant match ne sont pas souvent satisfaisant mais ce n’est pas ce que je recherche, pas d’attentes ou de performances particulières, pas de modifications ou d’apprentissages de nouvelles techniques, c’est simplement un moment où je me met en condition, où je me concentre, je rentre dans mon match avec mes coéquipiers. Cette mise en train est un moment important, de plaisir, d’échange, de relâchement. J’ai remarqué que chacun avait sa propre approche, certains vont prendre plus de temps ou encore d’autres vont plaisanter, il suffit de trouver sa recette, à son rythme… et je pense que cela vient avec le temps.

Je reprend des forces avec une petite collation le plus souvent et ensuite c’est la vrai mise en situation, ce qui me plonge dans le match, l’« Infield-Outfield » juste avant le match !

Mais, une chose est sûre, je ne me met pas trop tôt dans un état d’esprit particulier, comme certains peuvent le faire. Pour moi c’est le meilleur moyen pour passer à travers, mais c’est mon caractère. Tout le monde est différent, moi j’y vais au plaisir, je peux dire que j’ai acquis une expérience et je planifie pas vraiment maintenant, je me pose plus autant de questions.

Dans tout les cas, il faut savoir que la pression est toujours présente, que se soit un « At bat » en match amical ou lors de la finale du championnat, on est jamais certains de pouvoir frapper la balle correctement. »

RT : « Cette pression dont tu parles, comment la gérer ? »

GF : « Je dirai qu’il faut plutôt l’apprivoiser, si elle n’est pas présente on ne peut pas être assez éveiller, concentrer mais il faut un juste milieu, il faut qu’elle soit présente pour aimer l’instant, c’est une pression positive, comme tous les sportifs, on recherche cet état dans la pratique qui caractérise ce moment particulier… »

RT : « Qu’est-ce qu’un bon frappeur au baseball réellement ? »

GF : « Frapper, c’est juste un duel contre un lanceur qui va essayer de perturber le timing des frappeurs.

Sachant qu’il ne faut pas oublier que la frappe est le geste le plus dur ! Il y a énormément d’échec à gérer, les meilleurs frappeurs ont un « AVG » de 350 (35% de réussite) ! Les meilleurs frappeurs n’ont pas peur de s’élancer même si ils n’ont pas de comptes favorables, c’est alors qu’ils réalisent la bonne frappe en risque de se faire éliminer, ce qui arrive souvent, mais c’est le jeu !

Un bon frappeur c’est celui qui va résister à l’échec, se faire éliminer mais malgré tout rester confiant tout au long du match pour s’exprimer au bon moment. Je pense également que le rôle du staff est important à ce sujet, il faut savoir s’adapter en fonction de ses joueurs…

Les coaches doivent prendre conscience de ça, des limites, des capacités de chacun pour tirer le meilleur de son effectif et ne pas trop solliciter les organismes non plus. »

RT : « Avec le recul, qu’est-ce que tu peux dire pour s’améliorer à la frappe ? »

GF : « Frapper et encore frapper ! Comme souvent la progression à la frappe n’est pas linéaire, il y a des phases de régression ou de stagnation… soit ça passe vite, soit tu peux mettre du temps à t’en sortir.

Au début, lors de la première saison en D1, il y a un temps d’adaptation, les lanceurs ne nous connaissent pas donc leurs lancers pour te tester ne sont pas très difficile puis par la suite, cela devient de plus en plus difficile, les effets ou les changements de vitesse sont plus présents. Les lancers faciles sont beaucoup plus rare !

Chaque année c’est un nouveau duel avec différents lanceurs, effets ou encore stratégies. Il y a également une différence entre les matchs aller et retour, les joueurs du championnat se connaissent, on sait donc qui on affronte et comment l’affronter.

On voit que les vainqueurs des championnats ont des équipes complètes et performantes. En effet, un des problèmes majeur au baseball, c’est comment gagner les phases finales ? car il y a une différence entre la saison régulière et les « Play-offs ». Il faut avoir des joueurs qui répondent toujours présent à ce moment là, qu’il n’y ai pas de trou dans le « Line up », ni en défense. Le manager doit donc trouver la bonne alchimie, le bon calcul avec son effectif… »

RT : « Selon toi, qu’est-ce qui explique ton excellente saison ? »

GF : « Justement, le fait d’en parler aujourd’hui pourrait me donner des réponses ! Peut être les joueurs qui m’entourent, l’ordre du « Line up » (ordre de passage à la frappe pour une équipe), les stratégies, les attitudes des lanceurs que j’ai affronté ou encore le fait que je sois prêt à frapper à tout instant. En tout cas, il n’y avait pas de similitudes lors des situations rencontrées, les « At bat » étaient très différents, il pouvait y avoir de nombreux lancers ou à l’inverse, je pouvais frapper la première balle.

Une chose ne changeait pas, je n’ai jamais eu peur de frapper dans ces cas de figure, ni la première ni à 2 « Strikes », un frappeur doit pouvoir frapper ainsi. Par contre, si on attend toujours de monter les comptes (le nombre de lancers) avant de frapper, on laisse automatiquement passer des bonnes balles ! »

RT : « Aurais-tu des conseils pour les jeunes joueurs ? »

GF : « J’ai pu voir de nombreux joueurs se mettre dans certains états d’esprits négatifs, par exemple lorsque leur « Banting practice » est mauvais, et ils ne se mettent pas en bonne condition pour le match, alors que ça ne veut rien dire. On ne leur demande pas d’être parfait, juste de trouver les sensations, trouver leur rythme dans un premier temps, puis en match il suffit de faire confiance aux automatismes.

Quand on regarde les statistiques des meilleurs joueurs, on peut se dire que si on peur de l’échec dans ce jeu, on ne joue pas ! Je dis souvent le meilleur moyen de ne pas perdre c’est de ne pas jouer… »

RT : « Exact ! Mais comment faire pour gérer l’échec alors ? »

GF : « Personnellement je l’accepte tout simplement, mais je me dois de rester toujours prêt. Lorsque l’adversaire a été meilleur que moi, juste après cet « At bat », je prends quelques secondes pour identifier ce qu’il s’est passé pendant mon trajet jusqu’au « Dugout » (banc de l’équipe) et je me prépare directement pour la suite du match. Je passe à autre chose… on y repense obligatoirement mais il faut savoir relever la tête et repartir, se servir de l’échec pour répondre encore plus favorablement et être prêt pour la suite de la rencontre. »

RT : « Merci Guillaume, je te souhaite une bonne fin de saison ! »

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